السبت، 15 يناير 2011

Fernand Pouillon

Fernand Pouillon: Biographie
Fernand Pouillon est né le 14 mai 1912 à Cancon dans le Lot-et-Garonne où son père, entrepreneur de travaux publics, construit la voie de chemin de fer. Bientôt la famille regagne Marseille, le berceau familial.
C’est en Provence que Fernand Pouillon établira les bases de son savoir-faire et sa notoriété. On peut se reporter utilement à ses « Mémoires d’un architecte » (Ed du Seuil. 1968) pour comprendre l’envol de sa carrière dès le début des Trente Glorieuses. Néanmoins, tandis  que dans les années 1930 ses confrères affrontent un marasme profond, Fernand Pouillon construit déjà beaucoup: un immeuble de trente à quarante logements environ chaque année, toujours bien situé dans les centres villes d’Aix-en-Provence et de Marseille, de 1934 à 1939, alors qu’il a tout juste vingt-deux ans.
Ses premières réalisations montrent déjà son goût pour des proportions et des volumes équilibrés, son attention au détail (serrurerie, coffres de volets roulants par exemple) mais c’est d’une manière encore convenue qu’il utilise les formes, la décoration et des matériaux durables et éprouvés, telles la pierre et la ferronnerie.
Stade d'Aix-en-Provence
C’est avec la réalisation du stade municipal d’Aix-en-Provence en 1946 qu’un vocabulaire véritablement personnel émerge : une modernité en ligne directe et continue de l’histoire de l’architecture et de l’ingénierie, la «mise à jour» de procédés ancestraux de construction, la mise en valeur de chaque matériau par la juste combinaison de tous les matériaux entre eux, la juste adéquation d’une forme à son usage.
Le mariage de tradition et de modernité et la maîtrise de l’ingénierie au service du «sensible» qui se manifestent à partir de ce projet architectural ne quitteront jamais l’esprit de Fernand Pouillon. Toute sa vie il restera ouvert à toutes
 
les techniques, tous les procédés, tous les matériaux, toutes les formes dès lors, et cela est le fondement même de son travail, qu’ils serviront ses objectifs: des prix bon marché et la restitution authentique par les volumes, les formes et les matériaux de ses propres sentiments et aspirations. Par cela même l’attitude de Fernand Pouillon est véritablement celle d’un artiste. La lecture des Pierres Sauvages (ed. du Seuil. 1964) ne laisse aucun doute à ce sujet.

Ses objectifs sont au service de l’architecture, mais ils sont surtout au service de ses semblables.
« …J’ai toujours placé l’œuvre architecturale au service de l’homme, de l’esprit social et de l’économie. J’ai toujours pensé que le respect des prix et la qualité des constructions permettaient d’atteindre deux buts : le premier de donner accès au luxe d’habiter aux plus petits revenus, le second d’assurer une excellente conservation des quartiers aménagés et d’éviter ainsi la clochardisation des grands ensembles dont on a parlé maintes fois ces dernières années… ». 9 janvier 1985. Lettre au maire de la Ville de Créteil.
Le projet du groupe de logements de la Tourette (1948) au-dessus du Vieux-Port de Marseille, voit l’aboutissement décisif de toutes les réflexions de Fernand Pouillon depuis plusieurs années.A partir de cette expérience réussie, il  intégrera à tous ses projets le « bureau de coordination » dont il vient d’inventer le principe et avec lequel aujourd’hui se conçoit toute réalisation architecturale. «La Tourette» confirme également plusieurs dispositifs constants du « système Pouillon »: l’association systématique avec des artistes, céramistes et sculpteurs, et avec des artisans inspirés : ébénistes, serruriers, tailleurs de pierre, l’invention de procédés de construction pour baisser les prix, la création de dispositifs agréables aux habitants : entre autres à la Tourette espagnolette anti-mistral et procédé d’isolation phonique.
 
Aix-en-Provence Deux cents logements
La maturité du «système» culminera aux Deux cents logements d’Aix-en-Provence (1951) avec l’adjonction de délais de réalisation incroyablement courts et de prix incroyablement bas. C’est cette dernière «architecture» de pensée créatrice et d’organisation du travail qui sera désormais mise en œuvre pour tous les projets suivants et notamment à grande échelle pour les cités  Diar Es SaadaDiar El Mahçoul (1953-1954) à Alger. Son parachèvement permettra la mise en œuvre de l’ensemble du Point du Jour à Boulogne-Billancourt (1957-1963). et
Jusqu’à la fin de sa vie l’énergie de Fernand Pouillon sera sans limite. En dehors du fait de construire des milliers de logements simultanément en France, en Algérie et en Iran où il construit notamment deux gares et des cités militaires, il est architecte-conseil du département du Vaucluse et il est professeur à Aix-en-Provence puis à Marseille. Sa collaboration avec ses élèves d’Aix-en-Provence lui fait faire les premiers pas dans deux domaines où il excellera : l’écriture et l’édition de livres d’art. Avec les très beaux dessins de relevés de la ville d’Aix-en-Provence, des lithographies de Léo Marchutz et André Masson, une belle préface de Pierre Dalloz, Fernand Pouillon écrit des pages émouvantes sur  cette ville qu’il aime profondément et édite l’ensemble à compte d’auteur sous le titre « Ordonnances ». Dans les années soixante-dix il créera à Paris la maison d’éditions « Le Jardin de Flore » d’où sortiront trente-six livres d’art en dix ans.
 

Dans le même temps ses pratiques ont beaucoup contrarié le monde de la construction. Les grands projets des immeubles du Vieux-Port de Marseille et des cités algéroises se sont réalisés grâce à l’appui de ministres, hauts-fonctionnaires, ou maires confrontés au gigantesque problème du logement et de la reconstruction de la France. Ils ont trouvé dans les capacités de réaction fulgurantes et appropriées de Fernand Pouillon l’homme qu’il leur faut.
Au milieu des années cinquante la stature de bâtisseur hors norme de Fernand Pouillon est avérée. Bridé dans ses immenses aspirations par une législation et une déontologie étriquées, Fernand Pouillon va créer ses propres «espaces» juridiques et économiques.
En 1955 il crée le CNL, Comptoir National du Logement, une structure commerciale et juridique qui va lui permettre de bâtir, pas seulement comme architecte mais aussi comme promoteur, des milliers de logements à Paris. Puis il rachète les A.C.C.M. une entreprise de fabrication de serrurerie qui deviendra l’entreprise générale de ses chantiers.
Pantin Résidence Victor Hugo
Il réalise d’abord deux très beaux ensembles urbains de trois et cinq cents logements à Pantin (1957) et Montrouge

La vente à des prix inférieurs au marché des presque trois mille logements de la Résidence du Parc à Meudon-la-Forêt
(1958) en pierre et marbre notamment, en accession à la propriété pour des prix très bas (contrat de location-vente qui consistait dans le versement d’un montant correspondant à trois mois de loyer puis au versement d’un loyer modeste pendant vingt-cinq ans).
(1959) se réalise en un mois. C’en est trop. Les pratiques de Fernand Pouillon déstabilisent un univers aux enjeux importants.
Par chance pour ses ennemis, en contournant la législation qui à cette époque interdit aux architectes de «toucher» au domaine de la promotion immobilière,  en ignorant ou en voulant ignorer la nature et l’importance des usages, de la loi et des liens de ce métier avec « le » politique et, absorbé par les projets eux-mêmes, en ne surveillant pas d’assez près des associés peu scrupuleux des règles financières, il leur a laissé des angles d’attaque dont ils se serviront pour interrompre définitivement, ou presque, la carrière de Fernand Pouillon en France.
A partir de 1959 la gestion peu orthodoxe du CNL met la société au bord de la faillite. L’argent manque pour payer les entreprises sur l’opération du Point du Jour à Boulogne-Billancourt. Fernand Pouillon entreprend la vente de tous ses biens pour renflouer le CNL mais l’argent frais ne rentre pas assez rapidement. Il gagne un peu de temps mais n’évite pas le désastre.
Il est arrêté le 5 mars 1961. Le CNL est mis en liquidation.
Le 23 septembre de la même année le Conseil de l’Ordre des Architectes prononce sa radiation à vie du tableau de l’ordre des Architectes.
Le 8 septembre 1962, Fernand Pouillon s’évade de la clinique où il était détenu pour raisons de santé. Le 14 mai 1963 Il se constitue prisonnier pour le jour même plaider lui-même sa défense lors du procès qui vient de s’ouvrir.
Le 13 juillet 1963, il est condamné à quatre ans de prison, ramenés à trois ans par la Cour d’Appel le 15 janvier 1964. Cette dernière condamnation couvre, compte-tenu des réductions automatiques de peine, les vingt-sept mois de prison préventive que Fernand Pouillon vient de faire. Aussi est-il libéré quelques jours plus tard le 24 février 1964. Pour Fernand Pouillon cette condamnation finale au temps de prison préventive est un des «aveux» de son innocence car sauf à se déjuger on ne pouvait lui donner moins. Par ailleurs les chefs d’inculpation d’infractions aux lois sur les sociétés, abus de confiance, escroquerie et recel, ne seront pas retenus par la Cour d’Appel. Subsistent l’abus des biens sociaux, la fausse déclaration de libération de parts et de déclaration notariée mensongère.
Néanmoins comme l’évasion est un acte punissable par la loi, Fernand Pouillon retournera en prison le 5 février 1965. Il sera libéré le 25 février 1965 après une ultime grève de la faim, et amnistié le 12 mai 1971 par un homme qui connaît le dossier pour avoir été dès 1958 le directeur de cabinet du général de Gaulle, puis son premier ministre à partir de 1962, le Président de la République Georges Pompidou.
Pendant ces années de prison, Fernand Pouillon trouve le ressort d’écrire un livre qui affirme son talent d’écrivain. «Les pierres sauvages» publié en 1964, reçoit le prix des Deux-Magots. C’est un livre de chevet pour nombre de personnes dans le monde puisque ce livre, constamment réédité (dernière édition, 2006) a été traduit croyons-nous savoir en plus de trente langues.  Fernand Pouillon écrira en 1980 « …Les plus nombreux considèrent ce livre comme une histoire se rattachant davantage à l’archéologie, à une architecture périmée, à une époque à jamais révolue qui n’a aucun rapport même lointain avec notre temps. Est-il utile de dire que mon intention fut de décrire à travers une aventure exemplaire ce qu’était le métier d’un architecte hier aujourd’hui et demain. Même si l’on avait à ne plus connaître la vraie façon de le pratiquer je désirais que mon message reste comme un témoin gênant au milieu d’une aventure « architecturale » et « urbanistique » dont les relents nauséabonds n’ont pas fini d’être ressentis (souligné par F. Pouillon) … » (Inédit). Il écrit également des chapitres de ses futures « Mémoires d’un architecte ».
En 1964 Fernand Pouillon ne reste pas inactif. A sa sortie de prison Guillaume Gillet (Grand Prix de Rome en 1946) l’accueille dans son agence et lui « prête » ses dessinateurs pour dessiner un projet qui ne sera pas réalisé. Puis Fernand Pouillon dessine un très grand et très beau projet qui ne verra pas le jour, celui de la ville nouvelle de Créteil. Néanmoins c’est bien à Fernand Pouillon que la ville de Créteil doit aujourd’hui d’avoir un lac. Le lac dans le projet de Fernand Pouillon était long de trois kilomètres et demi, transportait des voyageurs, accueillait une église en son milieu, une cité idéale dont on peut être sûr avec lui qu’elle était réalisable au même coût que celui des banlieues que nous connaissons si bien. Cependant l’honnête homme qui l’a appelé sur cette œuvre, Jean Bozel, ancien aide de camp du général de Gaulle, est «débarqué» tandis que Fernand Pouillon, c’est ce qui ressort d’un de ses écrits, reçoit des menaces de mort lui intimant de ne plus œuvrer en France…et par conséquent de quitter le territoire.
Au même moment son ami Jacques Chevallier, l’ancien ministre, député et maire d’Alger qui n’a jamais quitté l’Algérie, l’incite à l’y rejoindre. Fernand Pouillon retrouve donc la maison qu’il occupait au début des années cinquante, villa et agence tout à la fois, la Villa des Arcades, très dégradée par l’occupation militaire française et qu’il restaurera pour la seconde fois, puis qu’il agrandira.
C’est donc l’Algérie qui bénéficiera des compétences de Fernand Pouillon pendant vingt ans, jusqu’en 1984, deux ans avant sa mort. Avec le ministre du tourisme Mohamed Maoui il couvrira le territoire algérien d’hôtels d’affaires ou de tourisme et de complexes balnéaires. Les ministères de la Poste, de l’Enseignement Supérieur, de l’Intérieur, lui confieront aussi des projets.
L’amertume de Fernand Pouillon de n’avoir été sollicité pour sa compétence la plus haute, le logement bon marché, ni par son pays, ni par l’Algérie, quand les besoins étaient si grands, sera immense jusqu’à sa mort.
En 1982 la Biennale de Venise sur le thème de l’architecture dans les pays islamiques rend hommage à son travail, aux côtés de Hassan Fathy, Louis Kahn et Le Corbusier.
Alors qu’il achève triomphalement et dans des délais record en juillet 1982 le chantier de l’hôtel El-Djazaïr à Alger (ex-hôtel Saint-Georges), qui doit être prêt pour les vingt ans de l’Indépendance de l’Algérie, sa fin dans ce pays est pourtant déjà programmée. L’Etat algérien ne paiera jamais, entre autres, les honoraires de ce travail, mettant l’agence de Fernand Pouillon dans l’impossibilité de payer d’abord les charges sociales et les impôts, puis les salaires. Au printemps 1984, Fernand Pouillon renonce à retourner à Alger, abandonnant ce qu’il y possède.
En France les événements se précipitent alors. Fernand Pouillon a bien réintégré le tableau de l’Ordre des Architectes et été élu au Conseil régional de l’Ordre d’Ile de France en 1980 mais la dette fiscale totale datant du CNL lui est toujours réclamée et le montant en est très important. Etablir une agence en France revient à commencer déjà perclus de dettes. Le Président de la République François Mitterrand aura à cœur d’aider  Fernand Pouillon à réintégrer la France et à le réhabiliter en l’élevant au grade d’Officier de la Légion d’Honneur (1984). Ces attentions rassérènent beaucoup Fernand Pouillon.
Lorsqu’il meurt le 24 juillet 1986 dans le château de Belcastel en Aveyron, une ruine très délabrée mais majestueuse qu’il a restaurée pendant sept ans avec une équipe de courageux maçons algériens, Fernand Pouillon n’a rien dessiné de précis pour sa dernière demeure mais il a demandé que son nom n’y figure pas. Pour deux raisons : la première est que nombre de maîtres d’œuvre et d’architectes ont contribué dans l’anonymat total aux paysages architecturaux et urbains que nous aimons, la seconde est que la blessure avec son pays était si grande qu’il ne pouvait imaginer que l’on vienne se recueillir sur sa dépouille quand on l’avait tant mésestimé de son vivant.

 














 

 

 

ليست هناك تعليقات:

إرسال تعليق